
Du Bestiaire des Alpes à Jeanne Sauvage
Après la parution du Bestiaire des Alpes en 2021 et de La Dernière Reine le 05 octobre 2022, ce sont les animaux de papier et de terre qui ont investi l'atelier des Etages. Comme s'il avait prolongé le geste de la sculptrice Jeanne Sauvage, héroïne de son roman graphique, Jean-Marc Rochette a incarné son bestiaire, prêté une troisième dimension à ses "compagnons de massif".
Un lièvre variable, une maternité d'ours, un buste de bouquetin : les sculptures en terre cuite ont surgi les unes après les autres, magnifiquement émaillées, par une autre artiste du nom de Sauvage, Julie la potière de Venosc.
On y retrouve toute leur expressivité, captée dans les postures de chasse, de guet, les attaques, les jeux, les envols.
Les dessins noirs et blanc, format panoramique que l'on découvre ci-dessous, sont à la base d'une séquence d'un récit filmé, dans lequel le photographe animalier Jérémie Villet narre sa rencontre avec un grand loup blanc, dans le Yukon. Le Loup du Yukon, de Marc de Langenhagen, Yoann Périé et Guillaume Salasca.
Et bientôt, Au coeur de l'hiver, à paraître aux Étages Éditions
Ces derniers mois d'hivernage ont aussi donné naissance à un récit, en forme de robisonnade de haute altitude : Au coeur de l'hiver.
Ce journal de bord d'une traversée de l'hiver au hameau des Étages, quand la route d'accès est coupée par les avalanches et que l'on repense son rapport au temps, à la nature environnante, à la création, à l'autre, paraîtra en mars 2024 aux Étages Éditions.
Révélation
"J’ai découvert l’Oisans à la fin de l’enfance.
Je devais avoir douze ou treize ans, quand je suis monté avec ma mère au col du Giobernay par le versant Valgaudemare. Ce fut mon premier contact avec ce qu’on peut déjà appeler la haute montagne, le col culmine à 3 233 m. Si je ne garde aucun souvenir de la bavante qui y mène, la vue au sommet fut un éblouissement, une révélation proche de la conversion de Claudel à Notre Dame : « […] Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et JE CRUS [...] ». En arrivant au col, les Bans me dévoilèrent leur magie. Cette montagne à cette époque était recouverte de glace, elle resplendissait littéralement au soleil.
C’était gigantesque et irréel pour l’enfant que j’étais encore. Un monde nouveau s’ouvrait à moi. Je n’avais encore jamais vu une telle netteté, une telle évidence. Je ne l’ai bien sûr pas formulé ainsi à cette époque, mais la beauté m’avait frappé comme la foudre.
Je voulais monter En Haut.
Je me mis à gravir la Pointe Richardson, pour m’approcher de la grande montagne.
Ne jamais redescendre. Vivre ici comme un chocard, prendre les ascendants et se gaver de lumière. C’est là que je me suis marié avec une déesse dont on ne divorce jamais.
À partir de ce jour, nous avons passé presque toutes nos vacances dans le massif avec ma mère. J’attendais notre retour dans ces montagnes comme on attend sa fiancée. Je les parcourais, les explorais, les escaladais, comme un boulimique ou un drogué.
A vingt ans un accident m’a arraché à elles. Je suis parti dans la grande ville, et j’ai oublié la déesse des hauts sommets. Je ne la retrouvais que par intermittence, et d’année en année celle que j’avais si bien connue m’est devenue étrangère. La beauté est comme un songe qui s’évanouit, et qui disparait quand on n’y croit plus."
Jean-Marc Rochette - Au coeur de l'hiver.